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Présentation de l'exposition,
par Angela Lampe et Clément Chéroux, conservateurs au musée national d'art moderne.
Edvard Munch est parfois considéré comme un artiste du 19e siècle, un peintre symboliste ou pré-expressionniste. Une idée reçue en fait aussi un artiste reclus, en proie à de violentes angoisses, dépressif, une âme tourmentée. L'exposition montre, à rebours de cette mythologie, que Munch était ouvert aux débats esthétiques de son temps, et qu'il a entretenu un dialogue constant avec les formes de représentation les plus contemporaines : la photographie,
le cinéma et le théâtre de son époque. Il ira jusqu'à faire lui-même l'expérience de la photographie et du film, osant des autoportraits qu'il est sans doute le premier à avoir réalisés, à bout portant, en tenant l'appareil d'une main : « J'ai beaucoup appris de la photographie, déclare-t-il. J'ai une vieille boîte avec laquelle j'ai pris d'innombrables photos de moi-même. Cela donne souvent d'étonnants résultats. Un jour lorsque je serai vieux, et n'aurai rien d'autre de mieux à faire que d'écrire mon autobiographie, alors tous mes autoportraits ressortiront au grand jour. » (Edvard Munch, interviewé par Hans Tørsleff, 1930)
Munch était pleinement « moderne », c'est la thèse que défend cette exposition que lui consacre le Centre Pompidou, avec cent quarante oeuvres, dont une soixantaine de peintures, cinquante photographies en tirages d'époque, des oeuvres sur papier, des films et l'une des rares sculptures de l'artiste. À travers neuf thèmes, elle présente un ensemble comme il a rarement été
possible d'en voir, associé à ses expérimentations photographiques et filmiques. Visite en neuf points :
REPRISES
Variantes, copies, autant de termes qui pointent un aspect essentiel dans l'oeuvre de Munch, c'est-à-dire la répétition d'un même motif. Décontextualisé, il s'apparente alors à un signe autonome. Il existe, par exemple, sept versions des Jeunes Filles sur le pont, sans compter les adaptations graphiques. Quelques chefs-d'oeuvre de sa période symboliste dialoguent aussi avec leurs reprises tardives, peintes souvent dans un style plus expressif où le contour se dissout et où la couleur s'intensifie.
PHOTOGRAPHIES
Comme les peintres Pierre Bonnard et Édouard Vuillard, Edvard Munch fait partie d'une génération qui, au tout début du 20e siècle, s'empare de la photographie, en amateur. Sa pratique photographique est centrée sur l'autoportrait. En dehors de quelques images d'espaces liées à ses souvenirs, l'artiste se photographie principalement pour se dévisager. Ses autoportraits photographiques trouvent ici leur vraie valeur, celle d'expérimentations visuelles.
L'ESPACE OPTIQUE
Munch traite de l'espace de façon très singulière : il fait souvent référence, dans son utilisation de premiers plans proéminents ou de lignes diagonales très prononcées, aux nouvelles technologies visuelles comme la photographie en relief ou le cinéma, dans leur capacité à produire des images qui sortent de l'écran pour avancer vers le spectateur.
EN SCÈNE
Depuis ses premiers portraits en pied, Munch s'intéresse à la frontalité des modèles qui posent comme des statues, dans une attitude hiératique et figée. Inspiré par les innovations de Max Reinhardt, fondateur des Berliner Kammerspiele, le peintre accentue sa façon d'inclure le spectateur dans l'espace du tableau. La série La Chambre verte, conçue comme une boîte
ouverte, en témoigne. Munch ne reste pas insensible aux nouveaux effets visuels introduits par l'éclairage électrique sur les scènes des théâtres.